PARIS- « Guerre d’Algérie. Paroles de soldats » est le titre du numéro spécial daté d’avril qui donne la parole aux soldats français, à travers leurs témoignages et lettres envoyées à leur famille, pour montrer la complexité de cette « guerre sans nom », vue du côté français.
Cette immersion dans une guerre de libération qu’a livrée un peuple contre une occupation de 132 ans, est l’œuvre de l’historien Tramor Quemeneur, ancien élève de Benjamin Stora, qui a recueilli depuis plus de vingt ans les témoignages des soldats du contingent et les a passés au filtre de la rigueur scientifique.
« Les armes se sont tues il y a plus de soixante ans, et pourtant le souvenir de ce conflit, emblématique de la décolonisation, ne cesse de hanter la France », a écrit l’historien dans son introduction du dossier qui raconte comment l’armée française a utilisé dans cette guerre non conventionnelle des armes qui ne l’étaient pas non plus, au détriment de la population.
Dans un article « Les femmes algériennes en première ligne », l’historien évoque qu’elles étaient « souvent seules », avec des enfants et des personnes âgées, lorsque les troupes françaises arrivaient dans les villages.
« Elles ont ainsi subi de plein fouet la répression. Les viols et agressions sexuelles, non quantifiables, ont visiblement étaient très nombreux », a-t-il précisé.
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Co-auteur avec Benjamin Stora de l’ouvrage « Algérie 1954-1962 », Tramor Quemeneur relate les impressions et points de vue des soldats français sur cette « guerre imbécile et sans issue » pour la France, les violences contre une population sans armes, les femmes algériennes maltraitées, les tortures et les exécutions sommaires des moudjahidine fais prisonniers et même des civils.
Le dossier parle de beaucoup d’appelés ayant refusé d’utiliser une arme comme l’artiste-peintre Claude Cornu qui, lui, a préféré utiliser la photo et pinceau comme arme ou encore les déserteurs.
« C’est l’amitié entre Français et Algériens que je veux défendre », a écrit en juillet 1956 l’appelé Alban Liechti au chef de l’Etat français, soulignant que dans cette guerre « ce sont les Algériens qui défendent leurs femmes, leurs enfants, leur patrie, combattent pour la paix et la justice ».
Henri Maillot n’est pas oublié par Historia qui publie sa lettre dans laquelle il explique son choix d’être dans les rangs des Algériens.
« Je ne suis pas musulman, mais je suis algérien d’origine européenne. Je considère l’Algérie comme ma patrie. Je considère que je dois avoir à son égard les mêmes devoirs que tous ses fils », lit-on dans la lettre de cet aspirant qui a déserté et détourne un camion d’armes et de munitions pour rejoindre en avril 1956 l’Armée de libération nationale (ALN).
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Deux pages sont également consacrés, pour la mémoire, à des personnalités françaises qui ont « fait » la guerre d’Algérie, comme l’ancien président Jacques Chirac, l’ancien ministre de l’Intérieur, Jean-Pierre Chevènement, le chanteur Eddy Mitchell, le caricaturiste Jean Cabut dit « Cabu » et l’écrivain Gilles Perrault.
Le dossier se termine par une invitation au voyage à travers « les mille et une vies d’une capitale méditerranéenne » où l’histoire d’Alger est revisitée.