ALGER – Les efforts consentis, durant de longues années, par l’Etat algérien pour promouvoir la culture du vivre ensemble ont été couronnés par la Charte pour la paix et la Réconciliation nationale, un édifice juridique venu effacer les séquelles de la tragédie nationale qu’a vécue le pays dans les années 90.
Contrairement au modèle « prêt à l’emploi » des organisations internationales de défense des droits de l’homme, le modèle de réconciliation algérien se distingue par sa quête d’un consensus par voie de référendum populaire sur la base d’un texte de loi singulier, à savoir la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, plébiscitée par le peuple algérien le 29 septembre 2005 et qui a fait ses preuves sur le terrain.
Jusqu’à la fin de l`année 2014, quelque 8.752 personnes ont bénéficié des dispositions de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, dont pas moins de 2.226 personnes ont quitté les établissements pénitentiaires au cours du premier semestre 2006, selon le rapport final et global sur les activités de la Cellule d`assistance judiciaire pour l`application de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale depuis sa création (juin 2006-juin 2015). Cependant, les personnes impliquées dans des crimes de sang, des attentats et des viols ont été exclues, conformément au texte de ce texte.
Le rapport fait état en outre du traitement de 44 dossiers sur un total de 500 concernant les enfants nés dans les maquis et 270 dossiers relatifs aux prisonniers des centres du Sud.
Pour les rédacteurs de ce rapport, la réconciliation nationale « a abouti » et pour preuve pendant les dix ans qui ont suivi son entrée en vigueur aucun « règlement de compte ni acte de vengeance » entre les personnes impliquées dans les actes terroristes et les victimes, n’ont été signalés.
C’est cette même idée que l’Algérie a défendu lors de la 204e session du Conseil exécutif de l’Unesco sur la journée internationale du vivre ensemble en paix. En effet le ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel a affirmé, dans ce sens, la Charte pour la paix et la réconciliation nationale « décriée au moment de son adoption par certaines ONG au motif qu’elle constituerait une forme d’absolution de tous ceux qui ont fait couler le sang des Algériens, s’est révélée être un puissant levier pour la reconstruction du tissu de la nation et la reconstitution de la cohésion nationale et de l’unité du pays ».
Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika avait, dans son message historique en 2015 à l’occasion de la célébration du 10ème anniversaire de l’adoption de la Charte pour la paix et la Réconciliation nationale, valorisé le bilan de l’application de ce texte juridique, affirmant que la réunification de nos rangs grâce à ce « choix salutaire » a été « le meilleur rempart de l’Algérie face aux manœuvres et aux complots qui nous ont également ciblés au nom du Printemps arabe.
Les dispositions de la concorde civile seront intégralement respectés et préservés, sans concession aucune, avait déclaré le Chef de l’Etat, relevant « des réactions induites par le réveil de blessures encore vives ou provoquées par la crainte de voir le pays retourner vers un passé douloureux ».
En réponse aux appels des victimes de la tragédie nationale, le président de la République avait promulgué en 2011 des mesures complémentaires, dont l’indemnisation des femmes violées et l’autorisation de voyager à l’étranger pour les personnes à qui il était interdit de quitter le territoire national.
Néanmoins, ces décisions relatives à certains droits civils des bénéficiaires de l’arrêt des poursuites judiciaires et de l’extinction de l’action publique dans le cadre de la réconciliation, interdisent à ces derniers l’exercice de toute activité politique, suivant l’article 26 de la Charte.
L’Algérie tente aujourd’hui « d’exporter » son modèle dans le cadre des efforts visant à promouvoir la culture de paix, de réconciliation nationale et de coexistence pacifique, notamment à travers la proposition de la célébration de la Journée internationale du vivre ensemble en paix, adoptée par l’ONU et largement soutenue par les pays du monde.
Lors de la 37è session du Conseil des Droits de l’homme de l’ONU, tenue en février dernier à Genève, le représentant du ministère des Affaires étrangères avait déclaré que « le vivre ensemble en paix se veut l’essence de la politique de la Réconciliation nationale qui s’est étendue au plan international, et, à l’initiation de mon pays, l’Assemblée générale de l’ONU, avait adopté, à l’unanimité, le 08 décembre 2017, un projet de résolution déclarant le 16 mai: Journée internationale du vivre-ensemble en paix ».
C’est dans ce prolongement que s’inscrit la stratégie intégrée et multisectorielle adoptée par l’Algérie et mise en oeuvre aujourd’hui « efficacement » en incluant la dimension politique, économique, éducatif, religieuse et culturelle en vue d’endiguer les tentations extrémistes induites de marginalisation et de l’exclusion notamment parmi les jeunes.
Cette stratégie repose sur la consolidation de la démocratie en tant que « choix stratégique » et des politiques économiques, sociales et culturelles tendant à l’amélioration des conditions et du cadre de vie des citoyens, la consécration de la justice sociale, la modernisation de la gestion de l’économie, des mosquées, de l’éducation et du divertissement, en plus d’un travail en parallèle en direction de l’école, de la mosquée, du mouvement associatif et des entreprises publiques pour la promotion des valeurs de partage, du pardon, de la tolérance, de l’ouverture sur l’autre, du respect de la différence, de l’intégration, de la solidarité du dialogue et du bannissement de la violence.
La Charte pour la paix et la Réconciliation nationale, été plébiscitée par les Algériens à 97.36 %, après son adoption par les deux chambres du Parlement, prévoit une série de mesures visant rétablissement de la paix, la consolidation de la Réconciliation nationale, le soutien de la politique de prise en charge du dossier des disparus et le raffermissent de la cohésion nationale.
Pour ce qui est des mesures visant le rétablissement de la paix, la Charte stipule « l`extinction des poursuites judiciaires à l`encontre des individus qui se sont rendus aux autorités depuis le 13 janvier 2000, date de forclusion des effets de la loi portant concorde civile ». Le texte prévoit également « l’extinction des poursuites judiciaires à l`encontre de tous les individus impliqués dans des réseaux de soutien au terrorisme, qui décident de déclarer, aux autorités algériennes compétentes, leurs activités ».
Il est prévu également « des dispositions concrètes destinées à lever définitivement les contraintes que continuent de rencontrer les personnes qui ont choisi d`adhérer à la politique de Concorde civile » et soutient également « tout ce qui a été pris comme mesures nécessaires au profit des citoyens qui ont fait l`objet, à titre de punition pour les forfaits qu’ils avaient commis, de mesures administratives décrétés par l`Etat » qui « prend en charge le sort de toutes les personnes disparues dans le contexte de la tragédie nationale et il prendra les mesures nécessaires en connaissance de cause ».
La Charte considère « les personnes disparues comme victimes de la tragédie nationale et leurs ayants droit ont droit à réparation » et que la Réconciliation nationale doit prendre en charge « le drame des familles dont des membres ont pris part à l`action terroriste ».
Elle dispose, en outre, « fait partie du devoir national, la prévention de tout sentiment d`exclusion chez des citoyens non responsables du choix malheureux fait par un de leurs proches » et « estime que l`intérêt de l`Algérie exige d`éliminer définitivement tous les facteurs d`exclusion qui pourraient être exploités par les ennemis de la Nation ».