ALGER – Des dizaines d’intellectuels, d’artistes, de journalistes et d’académiciens se sont rassemblés samedi à Alger devant le siège de l’Autorité de régulation de l’audiovisuel (ARAV), en protestation contre « les dépassements » enregistrés dans certains programmes de la grille spécial ramadhan de la chaine de télévision privée « Ennahar » et contre « l’atteinte » à la personne de l’écrivain algérien Rachid Boudjedra.
Reçu par le président de l’ARAV, Zouaoui Benhamadi, l’écrivain Rachid Boudjedra, accompagné de plusieurs sympathisants, a dénoncé le traitement qui lui a été réservé par cette chaine, lors de son programme de caméra cachée, qu’il a qualifié de « terrorisme », affirmant qu’il était « en état de choc », en raison de l’atteinte à sa personne.
M. Boudjedra a fait savoir qu’il comptait, demain dimanche, lancer une action en justice contre cette chaine, avec un collectif d’avocats, soutenant que le principal objectif de sa démarche était de « mettre un terme à la médiocrité qui caractérise ce type de chaînes ».
Par ailleurs, il s’est félicité de l’élan de solidarité des citoyens « aussi bien en Algérie qu’à l’étranger ».
Pour sa part, M. Zouaoui Benhamadi a exprimé sa solidarité avec M. Boudjedra, se disant très honoré de recevoir l’écrivain et ses sympathisants qui sont venus « défendre une cause juste », ajoutant qu’il « est entièrement d’accord avec la plupart des points contenus dans la pétition… et qu’il comprend leurs revendications ».
« l’ARAV n’a pas, en de pareils cas, le pouvoir de sanctionner qui relève, plutôt, des prérogatives de la justice » a-t-il ajouté, appelant à « ne pas porter de jugement hâtif sur ces chaines privées qui ont comblé un vide médiatique »
Plusieurs personnalités artistiques, intellectuelles, médiatiques et politiques étaient présentes à ce rassemblement au niveau du siège de l’ARAV.
Pour sa part, le poète Achour Fenni a indiqué que « plus de mille personnes ont signé jusque là la pétition, dont des journalistes, des intellectuels, des présidents d’associations et des défenseurs de droits », appelant à mettre fin à « l’utilisation des médias pour heurter la sensibilité des familles algériennes et porter atteinte aux valeurs de la société à travers des programmes faisant l’apologie de la violence ».
Les contestataires ont appelé dans leur communiqué, les autorités compétentes, à leur tête les ministères de la Justice, de l’Intérieur et la Communication et l’ARAV à « mettre un terme à la médiocrité, à réprimer les dépassements et les dérapages et à sanctionner les contrevenants à la loi et aux principes de la déontologie ».
Ils ont par ailleurs exhorté la société civile, les écrivains et les journalistes à « agir pour défendre leur position au sein de la société et leur droit à donner leur avis sans faire l’objet d’attaques ou de railleries en raison de leurs opinions ou convictions ».
Dans une déclaration à l’APS, le président de l’ARAV avait appelé à la nécessité de « parachever l’aspect disciplinaire et réglementaire » du champ audiovisuel pour en assurer la bonne organisation afin d’éviter « des dépassements » constatés notamment durant le mois sacré du Ramadhan.
Il avait estimé qu’avec l’application rigoureuse de la réglementation « on peut aller vite dans la régularisation des chaînes privées (qui sont de droit étranger), après, bien sûr, leur mise en conformité avec le cahier des charges ».
M. Benhamadi a pointé du doigt des émissions, notamment les caméras cachées, qui sous couvert de divertissement, montrent des séquences dont « la brutalité et la vulgarité » sont une « insulte à la dignité humaine ».
Selon lui, c’est aux « personnes mal représentées, de se plaindre et de faire pression sur ces chaînes en ayant recours à la justice », soulignant que l’ARAV pouvait intervenir notamment quand elle constate un « dépassement grave », touchant notamment aux symboles de l’Etat.
« Nous sommes abasourdis par tant de légèreté dans certains programmes », a-t-il regretté avant d’appeler à la nécessité « d’entreprendre une réflexion pour la construction du paysage audiovisuel national ».
Pour rappel, l’ARAV avait exhorté, avant le début du mois sacré du Ramadhan, les chaînes de télévision algériennes à observer les « principes d’intérêt général » afin d’éviter les « dérives » constatées les années précédentes, tout en élaborant des programmes spéciaux pour le Ramadhan »qui soient un espace d’éveil à la fois spirituel et rationnel, conciliant authenticité et modernité ».