ALGER – L’avènement des tribunaux spéciaux, durant la Guerre de libération nationale, a consacré la supplantation du juridique par le politique, a soutenu mardi à Alger, maître Fatima-Zahra Benbraham qualifiant ces instances de mélange entre une juridiction ordinaire et une juridiction exceptionnelle.
« L’avènement des tribunaux spéciaux a consacré la supplantation du juridique par le politique », a-t-elle affirmé, qualifiant ces instances de mélange entre une juridiction ordinaire et une juridiction exceptionnelle, une situation qui ne s’est produite qu’en Algérie », a indiqué Me Benbraham, au forum d’El-Moudjahid, consacré à la commémoration du 60éme anniversaire de la quadruple exécution de militants et révolutionnaires algériens.
Il s’agit des membres de la Zone autonome d’Alger (ZAA), Belamine Mohand Ameziane, Radi H’mida, Lakhdar Boualem (dit Rahal) et Said Touati, exécutés à l’aube du 20 juin 1957 par guillotine, tandis que Ferhat Hassan avait écopé de 20 ans de travaux forcés. Ils avaient été condamnés pour le dépôt de bombes aux stades d’El-Biar et de Belcourt, le 10 février 1957.
« Les sentences criminelles par la guillotine étaient exécutées au nom de la République française, un Etat criminel, par les tribunaux permanents des forces armées pour mâter la résistance algérienne face au colonialisme », a-t-elle encore souligné.
Considérant les exécutions à mort par guillotine comme un mépris du droit commun, Me Benbraham a relevé qu’en plus d’être illégales, celles-ci étaient très dures et quasi-immédiates, dans le sens où elles limitaient les droits à la défense. Ce pourquoi, les procédures de jugements par lesdits tribunaux se caractérisaient par leur accélération, a-t-elle ajouté.
L’hôte du quotidien a tenu, en outre, à mettre en avant le rôle important des avocats, algériens et français sympathisants de la cause algérienne, à travers notamment les procès de rupture qu’ils menaient dans l’intention de faire retarder les jugements. Ce faisant, a-t-elle noté, ces hommes de loi l’avaient payé très cher, citant notamment les assassinats politiques (le cas Ali Boumendjel), les camps de concentration dans lesquels ils étaient confinés ainsi que l’interdiction d’exercer au barreau d’Alger, pour les nationaux.
« Le Général De Gaulle, lui-même, avait procédé à la dissolution de l’Ordre des avocats d’Alger », a-t-elle poursuivi, avant de faire savoir que ceux qui étaient français étaient accusés d’être des agents du FLN en robe noire.
Revenant sur la quadruple exécution des martyrs sus-cités, Me Benbraham a interpellé le ministère des Moudjahidine afin de mettre toute la lumière sur les mensonges de la France coloniale s’agissant des procédures liées à cette collective liquidation et annotés dans des documents officiels.
Allant dans le sens de l’intervenante, l’historien Mohamed Lahcéne Zeghidi a relevé que la France coloniale avait érigé la politique des exécutions et des exactions en principe, notant que par ces pratiques, celle-ci était revenue à la mentalité du 19ème siècle.
« L’histoire n’a, à aucun moment, retenu que les condamnés à morts durant la Guerre de libération nationale avaient exprimé de la peur ou pleuré en se retrouvant face à la guillotine. C’est dire que la génération de novembre 1954 était exceptionnelle », a-t-il conclu.